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  • L'image en jeu

En suspens…


Ce week end, virée parisienne. Je suis allée entre autres au Bal, salle d'exposition dans une jolie impasse près de la Place Clichy. Des thématiques toujours assez intéressantes. Cette fois-ci la thématique s'appelle "en suspens", un titre magnifique, prometteur. J'ai presque plus aimé cette promesse que les photos exposées. Je vous laisse dans ce post le texte de présentation de cette expo qui est un petit bijou.

"CE QUI EST PERDU, C’EST L’INTERVALLE QUI AURAIT DÛ SE FORMER ENTRE CET HOMME ET SES SEMBLABLES." HANNAH ARENDT

Cette exposition est une tentative poétique, abstraite et fragile, de traduire quelque chose de notre temps. Quelque chose d’indéfinissable, d’intangible mais que nous reconnaissons comme l’état d’un homme, de plusieurs ou de tous : être en suspens.

Ni transition vers un futur possible, ni étape intermédiaire, cet état est relatif au blocage ou à la répétition d’un même cycle à l’infini : ne plus savoir où se diriger, ne pas trouver sa place, avoir un statut indistinct, flou, précaire, répéter des gestes dénués de sens, de finalité, en sont autant de manifestations visibles.

Souvent assimilé à la paralysie ou à la sidération, le suspens force au contraire, à s’adapter constamment, sans trêve, une menace se précise, le temps paraît compté. Ce n’est pas une lutte pour s’affranchir de la temporalité mais une lutte pour s’y inscrire.

Insaisissable, protéiforme, le suspens est aussi ce contre quoi l’image vient buter. Comment en exprimer la matière, la réalité ? Comment représenter l’homme en suspens qui tend à disparaître dans une prolifération et une obsolescence immédiate des images, des discours, des lois, des technologies, indifférentes à son sort ?

Pour les artistes, le suspens n’est pas un « sujet ». Il opère là, quelque part, presque malgré eux. Et si leurs images frappent par une intensité brutale, concrète, immédiate, elles nous touchent aussi par leur simplicité, une forme de neutralité, de laconisme. Comme si le langage devait s’appauvrir pour se tenir au plus près du sens.

Est montré ici le suspens d’hommes relégués hors de l’histoire, hors du paysage, en situation de survie dans un no man’s land politique : des territoires désertés, des corps en arrêt, isolés ou happés, sans ancrage. L’espace s’est refermé. Les visages ont disparu, la connivence des regards aussi.

Constellation hétérogène de lieux et de problématiques, l’exposition tisse un large réseau de correspondances, suggérant un lieu commun du suspens. Quand prend fin le mythe d’une histoire linéaire du progrès, quand l’idée d’une communauté de destin fait défaut, le suspens se déploie à une autre échelle. Il en vient à désigner un état du monde.

- Diane Dufour

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